Paradoxes sociologiques

" Dans une r?union mondaine berlinoise un peu nombreuse, j'?tais assis en un coin, et contemplais le tableau que j'avais devant les yeux. Le ma?tre de la maison contraignait son visage dur et r?calcitrant au sourire fig? ou plut?t au ricanement d'une danseuse, trahissant trop clairement qu'il a ?t? emprunt? pour la circonstance au costumier. La ma?tresse de la maison donnait ? ses l?vres pass?es au rouge une courbe aimablement doucereuse et d?cochait de temps ? autre sur quelques invit?es plus jeunes et plus jolies qu'elle, des regards charg?s d'un triple extrait de venimeuse envie. Les jeunes filles jouaient, les unes adroitement, les autres si malhabilement qu'on se sentait tent? de les siffler et de leur lancer des pommes cuites, le r?le vaudevillesque de l'ing?nue. ahurie et intimid?e. C'?taient des petites bouches oubli?es entr'ouvertes dans un trouble charmant, des yeux lev?s au ciel dans une extase sans cause, c'?taient des ah ! " et des oh ! " compl?tement idiots, des explosions de petits rires imb?ciles, tels que peuvent en avoir des hu?tres chatouill?es par un doigt espi?gle, des petites r?ponses spirituelles de nature ? vous faire lever les bras et ? pousser des hurlements de douleur; et au milieu de toutes ces minauderies et mani?res pr?cieuses, le sang-froid merveilleux d'un guerrier blanchi sous les armes, de temps en temps un regard d?rob? ac?r? et impitoyable sur une rivale, un jugement cruel ou haineux sur sa personne et sa toilee, une estimation boutiqui?re minutieuse du prix ce celle-ci, l'observation scientifiquement exacte ce la dur?e de sa conversation avec les diff?rents messieurs, et la constatation du nombre de ses danseurs et adorateurs; et au cours de ce froid calcul de t?te, ? tout instant un agenouillement mental enthousiaste devant sa propre personne, et la r?p?tition de la fervente litanie d'adoration personnelle: C'est toi qui es la plus belle, la plus intelligente, la plus gracieuse de toutes."