Le Paradoxe Du Paradoxe

Le paradoxe est fondamentalement une entit apor tique: il est le non-sens. Pourtant, en m me temps qu'il est un probl me pour la pens e, le paradoxe est l'objet de la pens e. Bien qu'il soit un fait incompr hensible, il est un fait significatif, interpr table. Il est le non-sens, mais il y a un sens du paradoxe. D'o le paradoxe du paradoxe: c'est qu'il est un non-sens, mais que ce non-sens est le non-sens du sens. Le paradoxe est la limite du sens. Situ la limite de la pens e, il montre o le sens commence et o il s'arr te. Il permet de comprendre que toute pens e est en son fond fond e sur un non-sens, mais qu'en m me temps ce non-sens fait sens. C'est ce que nous nous proposons de montrer dans cette tude, qui comportera trois volets. Il s'agira en effet, dans un premier moment, de comprendre ce qu'est un paradoxe en analysant sa nature apor tique. Nous verrons que derri re les paradoxes, il y a toujours le paradoxe, dans sa forme apor tique (Le paradoxe du paradoxe, tome 1: L'apor tique du paradoxe). Puis nous tenterons de montrer que pour autant, le paradoxe a du sens. C'est ce qui appara t si l'on se penche sur l'histoire de la philosophie: il y a des philosophes du paradoxe qui ont interpr t le paradoxe en lui donnant une signification (Le paradoxe du paradoxe, tome 2: Le sens du paradoxe). Enfin, si le paradoxe est pr sent en philosophie, ce n'est pas, nous le verrons, qu'en tant qu'objet de la pens e des philosophes, mais aussi au sens o il est l'origine de leur pens e. Le paradoxe peut donc aussi appara tre l'insu des philosophes, ou tout au moins l'int rieur de leur propre discours. Le paradoxe est peut- tre l'impens du discours philosophique. (Le paradoxe du paradoxe, tome 3: Le paradoxe impens ). Nous nous proposons, dans ce premier tome, de comprendre ce qu'est un paradoxe en analysant sa nature apor tique. La premi re relation que nous ayons avec le paradoxe est en effet une relation de type apor tique. Le paradoxe appara t d'abord comme une aporie pour la pens e, comme un d fi aux lois de notre raison. Il se pr sente donc notre esprit sous l'aspect du scandaleux, de l'incompr hensible, de l'incroyable. Qui croirait quelqu'un qui lui affirmerait qu'en se pr cipitant droit contre un mur, il s'en rapprochera ind finiment sans jamais l'atteindre, ne risquant absolument pas de s'y fracasser le cr ne ? Pourtant, c'est bien sous cette forme que se pr sentent les paradoxes. Et quelque type de paradoxe que l'on se rapporte, il semble bien que l'on soit toujours en face de l'obligation d'admettre l'inadmissible. On peut ainsi envisager le concept de paradoxe en extension, en proc dant une typologie des paradoxes, pour se rendre compte que tous convergent vers une m me signification en compr hension: l'id e que le paradoxe est toujours un non-sens. Olivier Abiteboul est professeur de philosophie Nice, docteur en philosophie de l'Universit de Provence (Aix-Marseille I), chercheur associ au centre de recherches Litt rature et po tique compar es (EA 3931) de l'Universit de Paris Ouest-Nanterre-La D fense, membre du comit de r daction de la revue Th tres du Monde (PU d'Avignon) depuis 1994. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, dont Le paradoxe apprivois (Paris, Flammarion, 1998) et La rh torique des philosophes (Paris, L'Harmattan, 2002).