La Vie d'Un Clown

En 1837, Pentonville, dans un faubourg de Londres, au nord de la froide capitale anglaise, un pauvre vieillard achevait sa vie. Il tait impotent, estropi , demi paralytique. Aupr s du fauteuil o il passait, occup crire, la plus grande partie de ses tristes journ es, point de parents, point d'autres soins que ceux d'une voisine charitable, jadis domestique dans la famille du moribond. Cet homme, l'ann e pr c dente, avait conduit le deuil d'un fils unique, dont la fin mis rable, suite de honteux exc s, avait d u ses plus ch res esp rances. Six mois plus tard, un autre convoi tait sorti de la m me demeure, men par le m me vieillard, autour de qui la mort semblait puiser ses coups avant de le frapper lui-m me. Cette fois, il enterrait sa femme, depuis longtemps sa camarade et sa compagne..., sa camarade, avons-nous dit, car cet homme tait un com dien, et moins qu'un com dien peut- tre, -c' tait un clown. De temps autre s'arr tait sa porte quelque leste cabriolet, quelque fringant attelage. On en voyait descendre soit un chanteur au teint fleuri, au gosier doubl d'or, soit quelque princesse du corps de ballet, quelque reine de la pirouette et du jet -battu, accourus en toute h te, entre deux r p titions, pour venir distraire pendant cinq ou six minutes celui qui, plus de quarante ann es durant, avait gay toute l'Angleterre, et qui maintenant, pauvre et d bile invalide, se soutenait peine sur ces jambes dont la merveilleuse souplesse avait arrach des cris d'admiration, des applaudissements fanatiques trois g n rations cons cutives de spectateurs enthousiastes...