Les Paysans

Extrait: Chapitre 1 Le Ch teau A MONSIEUR NATHAN. Aux Aigues, 6 ao t 1823. Toi qui procures de d licieux r ves au public avec tes fantaisies, mon cher Nathan, je vais te faire r ver avec du vrai. Tu me diras si jamais le si cle actuel pourra l guer de pareils songes aux Nathan et aux Blondet de l'an 1923 Tu mesureras la distance laquelle nous sommes du temps o les Florine du dix-huiti me si cle trouvaient leur r veil un ch teau comme les Aigues dans un contrat. Mon tr s cher, si tu re ois ma lettre dans la matin e, vois-tu de ton lit, cinquante lieues de Paris environ, au commencement de la Bourgogne, sur une grande route royale, deux petits pavillons en brique rouge, r unis ou s par s par une barri re peinte en vert ?... Ce fut l que la diligence d posa ton ami. De chaque c t des pavillons, serpente une haie vive d'o s' chappent des ronces semblables des cheveux follets. et l , une pousse d'arbre s' l ve insolemment. Sur le talus du foss , de belles fleurs baignent leurs pieds dans une eau dormante et verte. A droite et gauche, cette haie rejoint deux lisi res de bois, et la double prairie laquelle elle sert d'enceinte a sans doute t conquise par quelque d frichement. A ces pavillons d serts et poudreux commence une magnifique avenue d'ormes centenaires dont les t tes en parasol se penchent les unes sur les autres et forment un long, un majestueux berceau. L'herbe cro t dans l'avenue, peine y remarque-t-on les sillons trac s par les doubles roues des voitures. L' ge des ormes, la largeur de deux contre-all es, la tournure v n rable des pavillons, la couleur brune des cha nes de pierre, tout indique les abords d'un ch teau quasi-royal. Avant d'arriver cette barri re, du haut d'une de ces minences que, nous autres Fran ais, nous nommons assez vaniteusement une montagne, et au bas de laquelle se trouve le village de Couches, Honor de Balzac, n Honor Balzac Tours le 20 mai 1799 (1er prairial an VII du calendrier r publicain), et mort Paris le 18 ao t 1850 ( 51 ans), est un crivain fran ais. Romancier, dramaturge, critique litt raire, critique d'art, essayiste, journaliste et imprimeur, il a laiss l'une des plus imposantes oeuvres romanesques de la litt rature fran aise, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 1855, r unis sous le titre La Com die humaine. cela s'ajoutent Les Cent Contes drolatiques, ainsi que des romans de jeunesse publi s sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq oeuvres bauch es. Il est un ma tre du roman fran ais, dont il a abord plusieurs genres, du roman philosophique avec Le Chef-d'oeuvre inconnu au roman fantastique avec La Peau de chagrin ou encore au roman po tique avec Le Lys dans la vall e. Il a surtout excell dans la veine du r alisme, avec notamment Le P re Goriot et Eug nie Grandet, mais il s'agit d'un r alisme visionnaire, que transcende la puissance de son imagination cr atrice. Comme il l'explique dans son Avant-Propos La Com die humaine, il a pour projet d'identifier les Esp ces sociales de son poque, tout comme Buffon avait identifi les esp ces zoologiques. Ayant d couvert par ses lectures de Walter Scott que le roman pouvait atteindre une valeur philosophique, il veut explorer les diff rentes classes sociales et les individus qui les composent, afin d' crire l'histoire oubli e par tant d'historiens, celle des moeurs et faire concurrence l' tat civil . L'auteur d crit la mont e du capitalisme et l'absorption par la bourgeoisie d'une noblesse incapable de s'adapter aux r alit s nouvelles. Int ress par les tres qui ont un destin, il cr e des personnages plus grands que nature, au point qu'on a pu dire que, dans ses romans, chacun, m me les porti res, a du g nie .