Le Trust

Dans l'attente de la fra cheur et de celui qu'on esp rait, la conversation vint languir chez Mme Alvi a, lasse d'avoir accueilli tant de personnes. Les politiques, Hernandez m me, renonc rent leurs loquences. Le marquis d'Oro s'essuyait les tempes apr s une derni re phrase jaillie de sa grande barbe blanche. Marbre svelte, V nus Anadyom ne dominait seule la nonchalance des causeurs. Sur les si ges de la rotonde et de la galerie, les attitudes lourdes fripaient la serge des jaquettes, la mousseline des robes. Les flirts se fatiguaient. Tous babillages se turent. Des sorbets achev rent de fondre. Cependant, par les interstices des jalousies closes, l'odeur des parterres filtra. Bouff es suaves et chaudes. La plus sensible des jeunes filles, miss Fuller, huma le parfum. Son nergie yankee secoua la torpeur cr ole. Maggy tendit sa coupe vide au Dr Rosas. Il essaya l'effort de poser le cristal sur une console proche. A ce moment, un pignon grin a. Dehors, les mul tres relev rent les tentes qui voilaient la terrasse et le parc. Les troncs cailleux des cocotiers, puis leurs palmes rompues apparurent. Successivement, les portes-fen tres s'ouvrirent. Un murmure d'aise se propagea. Contre la moiteur des cous, les ventails voltig rent. Bonheur de l'apr s-midi, la brise de mer arrivait. Citrines, roses, azur, les soies des charpes gonfl rent autour des jeunes filles accourues du fond de la galerie avec In s Alvi a. Or, les beaux yeux franges s'attrist rent dans leurs visages cubains. Lentement la lumi re p lissait sur les dalles de la terrasse, sur les bocages du jardin, et m me au z nith, par-dessus la grande lyre verte que, du milieu de la pelouse, offrait au ciel l'arbre-du-voyageur. Rosas certifia que l'averse durerait peine. Elle n'emp cherait point l'inauguration du golf. Moqueuses, les demoiselles affect rent de douter. Le docteur saisit une paille qui trempait dans la glace d'un breuvage, et leur apprit mesurer la force du vent, d'apr s l' vaporation. Cette h te de l'air chasserait l'orage l'int rieur de l' le. Champion havanais du jeu, MlleLopez respira................ Paul Auguste Marie Adam n le 6 d cembre 1862 Paris o il est mort le 2 janvier 1920, est un crivain fran ais et critique d'art. Biographie Issu d'une famille d'industriels et de militaires originaires de l'Artois, fils d'un directeur des Postes sous le Second Empire, Paul Adam fait ses tudes secondaires au lyc e Henri-IV Paris avant de se lancer dans la carri re litt raire d s 1884. Il collabore La Revue ind pendante avant de publier en Belgique son premier roman, Chair molle (1885), qui est accus d'immoralit , provoque le scandale et vaut au jeune auteur une condamnation quinze jours de prison avec sursis et une lourde amende. D laissant le naturalisme, Paul Adam se tourne vers le symbolisme. Il contribue diverses revues li es ce mouvement, anime Le Symboliste et La Vogue et fonde avec Paul Ajalbert Le Carcan. En 1886, il collabore avec Jean Mor as dans Le Th chez Miranda et Les Demoiselles Goubert et publie un roman intimiste, Soi. Sa notori t est tablie avec le roman tre (1888). En 1892, il prononce son c l bre loge de Ravachol De tous les actes de Ravachol, il en est un plus symbolique peut- tre de lui-m me. En ouvrant la s pulture de cette vieille et en allant chercher t tons sur les mains gluantes du cadavre le bijou capable d' pargner la faim, pour des mois, une famille de mis rables, il d montra la honte d'une soci t qui pare somptueusement ses charognes, alors que, pour une ann e seule, 91 000 individus meurent d'inanition entre les fronti res du riche pays de France, sans que nul y pense, hormis lui et nous. En 1906, dans Vues d'Am rique, Paul Adam synth tise son approche de l'art L'art est l'oeuvre d'inscrire un dogme dans un symbole. Il fut l'un des t moins de Jean